Le château suisse est resté à l'état de passoire pendant bien longtemps
C’est dans les rayons de soleil apportés par le mois de février
2012 que je retrouvai une certaine énergie à dépenser dans ce projet. Pendant
six mois il avait plu, grêlé et neigé sur (et dans) mon Château Suisse qui
n’avait pas fière allure. Les dégâts, pourtant, étaient moins dramatiques que
prévu. Juste quelques traces d’humidité pas vraiment inquiétantes, un peu de
moisi par-ci par-là. Je découpai des fenêtres, y posai des carreaux en
plexiglas jointés au mastic de maçonnerie (le moins cher). Si ceux-ci
s’abîmaient, il suffirait d’un pistolet et d’une de ces bombes de silicones
pour en assurer l’entretien. Je troquai les recettes expérimentales et non
convaincantes d’enduit chaux-sable-résine dans l’achat d’une bâche en
polyéthylène tressé de 96m2 et de vingt litres de colle à isolant extérieur.
Une solution draconienne très « red neck », mais qui allait me
satisfaire plus que je ne le pensais : après avoir découpé des modules à
languettes calculés spécifiquement, je collai, pliai et agrafai cette bâche sur
ma cabane. Après quatre jours consacrés à ce labeur, j’avais devant moi quelque
chose de plus juste qu’auparavant. Ma coquille était devenue une toile de tente
en dur dont les volumes étaient préservés, dont la couleur bleue électrique vibrait
réellement en contraste dans son environnement, et dérangeait les spectateurs.
Je jubile encore lorsqu’on me demande si c’est « définitif ». Et
par-dessus tout, j’avais retrouvé le sentiment primal de la victoire de l’homme
sur les éléments. La pluie et le vent n’étaient plus une source d’inquiétude ;
ma coquille, cette partie si infime de ce que mon travail devait représenter,
était achevée.
Le collage de la bâche - très difficile de maroufler proprement
Plein d’entrain, j’attaquai l’intérieur comme une partie de
plaisir. Mais avant cela, il me faut raconter ce qui s’est passé. Du moins, ce
que j’ai pu déduire des indices laissés sur place. Le 3 avril, en arrivant près
de ma cabane, je constatai que la porte avait été enfoncée. En passant celle-ci
je trouvai un lit provisoire au milieu de mes outils, une couette humide et une
lampe de poche. A ce moment là la bâche ne couvrait pas entièrement le toit, et
pourtant quelqu’un avait trouvé un abri dans mon «château» perméable. La
mystérieuse personne avait été galante : elle n’avait rien volé d’autre
qu’un peu de place sous mon toit; tout était intact. Et pourtant je ne pouvais
pas laisser cela se faire, il fallait que mon abri soit fermé et protégé des
voleurs plus sérieux. Je renforçai la porte et sortis la couette et la lampe,
qui furent récupérés, je crois. Je suis toujours mal à l’aise lorsque je pense
à cela; si mon atelier était sensé tendre vers un idéal, je ne pouvais pas pour
autant le partager. Au matin du 7 mai une surprise bien plus désagréable
m’attendait: quelqu’un avait frappé à nombreuses reprises sur la porte à l’aide
d’un chevron de bois utilisé comme bélier; une des vitres était brisée. La
porte avait tenu bon, même si elle était abîmée. Le ou les vandales avaient
sûrement voulu ouvrir le verrou en cassant une fenêtre mais j’avais auparavant
pris soin de placer celui-ci hors d’accès par l’extérieur. Mes craintes furent
confirmées. Il me faudrait réétudier le système d’entrée afin de rendre ma
forteresse imprenable. Triste monde.
L'aspect de ma forteresse en avril 2012 - de plus en plus S.F
Je branchai un câble électrique de 15m depuis l’atelier
volume de l’école jusqu’à ma cabane, posai un sol propre en stratifié (son but initial)
et me mis à toutes sortes de préparatifs. Selon mes dessins, je devais obtenir
30m2 de placoplâtre à plaquer sur les murs pour obtenir le maximum de
luminosité et des cloisons intérieures propres, ainsi que 20m2 de volige de
peuplier (la moins chère) destinée au mobilier. Les matériaux se devaient
d’être peu nombreux pour garder une cohérence. Avant cela je m’amusai à parfaire
dessins et mesures concernant l’agencement du mobilier intérieur, et m’exerçai
quelque peu à des essais esthétiques et fonctionnels. Il fallait garder à
l’esprit la motivation principale de ce projet, qui était de construire un
atelier aussi idéal que possible au sein de l’école. Tout devrait donc être
extrêmement fonctionnel. J’avais opté pour un aménagement circulaire collé aux
murs, laissant le centre de la pièce libre, me permettant de circuler librement
et de prendre du recul. La lumière la plus stable se trouvait contre la face
sud-ouest, c’est là que serait ma table à dessin. Celle-ci serait inclinée à
environ 15° et prendrait sa base à 73 centimètres du
sol pour une chaise de 43cm à l’assise. L’établi s’élèverait à 82cm, me
permettant de travailler debout, à gauche de la table à dessin et donc face à
l’entrée si j’avais affaire à des longueurs de bois supérieures à 4m50, portes
ouvertes en m’aidant d’une desserte à même hauteur. L’évacuation des sciures et
poussières présentes au sol se ferait au moyen simple du balai, directement par
la porte d’entrée. En face des tables de travail il y aurait des rangements
simples pour les outils les plus couramment usagés, centrés à 1m50 du sol. Le
reste des outils serait stocké dans la desserte mobile et le papier devrait
être stocké dans des contenants hermétiques, le taux d’humidité étant trop
important sans isolation. Une banquette pliable (pour éviter la poussière) de
2m20 de long sur 1m de large serait située sur la face est, tête au nord, là où
la lumière est la plus intense tout au long de l’après-midi, pour rêvasser au
soleil, car il est indispensable de se reposer dans un atelier. Enfin les
angles « morts » situés entre les faces nord-est et nord-ouest et la
porte seraient consacrés respectivement à l’évier et au stockage de tenues. Des
étagères-bibliothèques à casier longeraient la première brisure, de hauteur
27cm et 37cm. Toutes ces mesures ont été établies empiriquement en fonction de
ce qui « marchait », selon moi, ou pas, selon ma taille et selon des
meubles Muji, Ikea, de Rietvelt ou encore de proportions telles qu’énoncées dans
le Modulor du Corbusier. L’éclairage
serait fourni par deux lampes de chantier suspendues à la panne faîtière. Un
escalier asymétrique serait construit pour faciliter l’accès au
« château ». A partir de là, il ne me resterait plus qu’à me servir
de cet atelier. Et sans doute à analyser si cette construction avait ou non
modifié mon travail dans un sens ou dans l’autre.
Bonsoir
RépondreSupprimerJe ne sais pas si vous l'avez fait exprès ou pas, mais votre soucoupe dans cet état, a des airs de Tardis du Doctor Who, autre véhicule spatial :)
http://www.lollercoasterlab.com/2011/06/doctor-who-lend-me-your-tardis.html
En tout cas, bravo, beau boulot !